Vivre avec une personne hypersensible dans la famille
Aujourd’hui, je donne la parole à quelqu’un de très spécial pour moi, ma sœur Chloé. Elle a accepté de m’accompagner dans une conversation sur l’hypersensibilité au sein de notre famille. Si tu me lis régulièrement, tu sais peut-être que c’est un sujet qui me touche personnellement, car je suis hypersensible. Aujourd’hui, nous allons explorer ensemble ce que cela signifie pour elle, comment cela a façonné notre relation familiale, et peut-être apporter un éclairage sur ce que ressent une personne non-hypersensible qui vit avec une personne hypersensible. Découvre dans cet épisode comment établir des relations harmonieuses en vivant avec une personne hypersensible dans la famille.
Sophie – Peux-tu te présenter ?
Chloé – J’ai 38 ans. Dans ma vie professionnelle, je suis consultante en communication et marketing digital. J’accompagne des entreprises dans la conception et le déploiement de leur stratégie de communication que ce soit à travers des campagnes pour promouvoir leurs produits / services, favoriser l’acquisition ou la fidélisation de leurs clients. Je peux également leur apporter mon expertise pour positionner leur marque sur le marché, ou les aider à renforcer l’engagement des collaborateurs dans leurs entreprises. Dans ma vie perso, je suis une heureuse maman heureuse de deux petites filles, l’une de 5 ans et la seconde de deux ans qui ont changé ma vie (en bien ). J’aime rire, passer du temps avec mes amis et ma famille, cuisiner et manger, danser, chanter. Et je suis surtout la sœur d’une très belle personne, talentueuse, douce, attentive aux autres et qui n’a pas peur de se lancer des défis dans sa vie professionnelle. Vous voyez de qui je veux parler ?
Sophie – Pour toi, c’est quoi l’hypersensibilité ?
Chloé – L’hypersensibilité peut s’exprimer sous différentes façons. Une personne hypersensible éprouve souvent des émotions décuplées et vit très intensément chaque situation, qu’elle soit positive ou négative, avec des moments de joies où tout semble très fort et heureux, et des moments de doutes où la personne peut tout remettre en question après une simple discussion avec quelqu’un. Souvent d’ailleurs, cette personne est à 1000 lieues d’imaginer ce qu’elle a pu provoquer en posant une question qui lui paraissait anodine.
L’hypersensibilité peut aussi s’exprimer par une exacerbation des sens. Prenons par exemple l’ouïe, le moindre plus petit son ou la plus faible fréquence peut provoquer une insomnie pour un personne ayant cette forte sensibilité au bruit.
L’hypersensibilité s’exprime également par une capacité à tout questionner, et à se questionner soi-même en permanence. Le cerveau d’une personne hypersensible fonctionne à plein régime du réveil au coucher. Et franchement, je ne suis pas sûre de vouloir vivre ça ! Qu’est-ce que cela doit être énergivore au quotidien !
Enfin, de ce que j’ai pu constater, une personne hypersensible a aussi un sens du détail très développé qui s’allie avec une grande mémoire ! Ça c’est une qualité que j’aimerais bien avoir d’ailleurs !
Sophie – Comment as-tu su que j’étais hypersensible ?
Chloé – Je pense que j’en ai pris conscience, inconsciemment, à l’adolescence, quand nos caractères se sont affirmés et que je me suis rendu compte que nous ne réagissions absolument pas de la même manière face à une même situation. Je voyais ton mal-être au lycée, je voyais que tu prenais tellement les choses à cœur et que tu te focalisais sur des phrases dites une fois et qui t’ont tant marqué. À ce moment-là, j’ai n’ai pas mis le mot hypersensible sur ta façon d’être, mais j’ai compris que nous étions très différentes.
Pour donner un exemple, mon père a dit un jour que je serais ministre parce que j’avais des facilités à l’école. Pour la petite histoire, j’avais effectivement des facilités petites, je suis ensuite devenue une élève moyenne à mon entrée en quatrième. Alors oui j’avais peut-être des facilités à apprendre mais il y avait des matières où je n’étais pas douée du tout : les maths, la science nat, la physique, l’art plastique … Mais toi, tu as gardé cette phrase ou plutôt cette plaisanterie, dans un coin de ta tête et tu en as fait un complexe d’infériorité par rapport à moi. Je pense que ni les parents, ni moi, n’avions imaginé et encore moins voulu ce sentiment.
Bref pour en revenir à la question initiale, j’ai su que tu étais hypersensible quand tu as fait ce travail sur toi, pour comprendre pourquoi nous (quand je dis nous, c’est la famille, tes amis, la société en général) te faisions sentir différente.
Chloé – Avant qu’on passe à la suite, est-ce que je peux moi aussi te poser une question ? Quand est-ce que toi tu as su que tu étais hypersensible ?
Sophie – Je me suis toujours sentie un peu en décalage. Déjà enfant, j’avais du mal à trouver ma place. J’avais la sensation qu’il y avait toi, Chloé et les parents, et moi à côté.
Le jour où je l’ai compris, j’étais dans la voiture avec maman, à lui raconter mes états d’âme amoureux qui ont toujours pris beaucoup de place dans ma tête et dans mon cœur. Et là elle me répond : “Mais Sophie, on a toujours su que tu étais hypersensible.” Elle me l’avait sûrement dit des milliards de fois avant mais ce jour-là, j’ai tiqué sur le mot et j’ai fait des recherches pour comprendre ce que ça signifiait parce que sur le coup, je pensais que ça voulait juste dire que je pleurais tout le temps.
Le premier livre que j’ai lu à ce sujet est “Je pense trop” de Christel Petitcollin, dans lequel je me suis beaucoup reconnu sur le contenu mais absolument pas sur l’appellation “surefficient mental”. Il était hors de question pour moi d’être SUR quelque chose. Petit à petit j’ai compris quand changeant ce mot avec très sensible ou très pensante, je m’y retrouvais beaucoup plus.
Sophie – Comment s’est passée ton enfance aux côtés d’une sœur hypersensible ?
Chloé – J’en suis encore traumatisée !!! Mais non, je plaisante ! S’il te plaît, ne crois pas une seule seconde que ça a été difficile. J’ai au contraire vraiment eu de la chance. J’ai passé une enfance très heureuse dans une petite famille soudée. Nos parents avaient et ont toujours plein d’amis donc j’ai le souvenir d’avoir passé une enfance à rire.
On n’avait pas forcément toujours les mêmes jeux ni les mêmes envies mais on partageait une passion commune pour la danse et les films de danse qu’on pouvait regarder des dizaines de fois. Et est-ce que tu te souviens du nombre de spectacles qu’on a inventé avec nos copines d’enfance, pour s’amuser le dimanche ou pendant les week-ends “festifs” ? On se déguisait et on inventait des chorégraphies, des chansons…
Je me souviens de nos premiers moments toutes les deux à la maison, quand les parents nous laissaient le temps d’un après-midi ou d’une soirée, et qu’on se faisait notre repas préféré en regardant un film de danse ou la Star Ac ! On avait aussi pas mal de séries en commun. Bon j’étais plus Spice Girls que 2be3 … Mais comme on dit personne n’est parfait !
Ce qui est très marrant, c’est de voir qu’on n’a pas du tout les mêmes souvenirs. Ma fille adore qu’on lui raconte des anecdotes sur nous petites et il nous arrive parfois de lui raconter le même moment, mais de manière très différente. Exemple : on est partis dans une colonie de cirque ensemble avec nos meilleures amies et notre cousine. On n’avait pas les mêmes copains ni les mêmes activités vu qu’on avait trois ans de différence mais on se retrouvait pour les temps communs. La dernière semaine de la colo, je me casse la figure d’une boule de cirque et je me fracture la cheville. J’ai dû rentrer pour me faire opérer et j’ai raté la fin de la semaine avec vous. J’étais trop triste de ne pas finir la semaine et de ne pas pouvoir faire le spectacle. Ce que tu as ou aurais dit à Anaïs, c’est que tu avais eu l’impression de te retrouver toute seule, d’avoir été “abandonnée” et que les parents étaient rentrés sans toi.
Je me souviens que tu étais très souvent “collée” à maman quand tu étais petite et que tu lui disais que tu resterais toujours avec elle. Mais j’ai le souvenir qu’on jouait quand même beaucoup ensemble, on passait des heures à se courir après autour du poteau central de la maison, ou à jouer à cache-cache et se cacher dans les placards de nos chambres.
Sophie – Peux-tu partager des anecdotes qui illustrent comment l’hypersensibilité se manifeste en moi au quotidien ?
Chloé – Parfois j’ai l’impression qu’on a une conversation anodine, telle qu’on peut en avoir des dizaines… Et 6 mois après tu me ressors une phrase que je t’ai dite à ce moment-là. Moi il me faut 5 min pour me rappeler le contexte et pourquoi j’avais dit cela parce que je n’ai quasi plus aucun souvenir de la conversation et toi, tu me ressors ma tenue, où on était, les sujets de discussion… Ça, c’est quand même assez fou.
Tu as des sons qui te sont insupportables et je pense que tu prends beaucoup sur toi avant de dire, stp arrête. Au bout de 3h avec mes filles, tu as besoin d’un temps isolé pour te retrouver avec tes pensées.
Bon et puis il faut quand même bien le dire, tu te poses 1000 questions à la minute. À côté de toi, parfois je me dis que je ne m’en pose vraiment pas assez. Ton cerveau carbure en permanence, ça doit être tellement fatigant.
Sophie – Comment as-tu vu mon hypersensibilité évoluer au fil du temps ?
Chloé – Il y a eu des phases. Je ne sais pas si l’élément vraiment déclencheur a été ta rupture avec ton premier amour ou si cela est arrivé plus tôt, à la fin de ton adolescence.
Au début, ça a été un peu “rude” pour ton entourage, car plus tu découvrais des choses sur toi, plus tu voulais en apprendre plus, et plus tu nous faisais part de tes découvertes, de tes souvenirs, de tout ce que cela avait provoqué en toi. En parallèle à toi, les parents et moi avons aussi fait un travail sur nous à ce moment-là, et je pense que cela n’a pas toujours été agréable de se dire qu’on avait pu provoquer un mal-être chez toi avec une phrase, une réaction…
Par la suite, je t’ai vu petit à petit mieux appréhender tes émotions, savoir quand les montrer et à qui et quand les cacher.
Le fait d’en parler d’abord via ton blog, puis en écrivant ton livre t’a aussi fait beaucoup évoluer. Parce que déjà, tous les exercices que tu proposes dans tes accompagnements tu les as faits et refaits. Et cela te permet peut-être un peu de mieux “gérer” ton hypersensibilité.
Sophie – En quoi l’hypersensibilité influence-t-elle nos relations en tant que frère et sœur ?
Chloé – À partir du moment où tu nous as dit que tu étais hypersensible et que tu nous as donné des explications sur les termes, les “caractéristiques” d’une personne hypersensible, j’avais deux choix : le nier ou l’accepter dans son intégralité. J’ai choisi la seconde solution et j’ai la sensation que ça a eu un impact sur nos relations et qu’on a arrêté d’être en conflit. Alors peut-être que c’est arrivé à la fin de nos adolescences et qu’on n’avait plus besoin de se prouver quelque chose ou de prouver quelque chose à nos parents.
Je crois que j’aurais quand même aimé connaître plus tôt ton hypersensibilité, pour comprendre qu’on ne réagissait pas de la même façon. Je pense surtout à quand tu avais 14-15 ans et qu’on t’a diagnostiqué une scoliose assez prononcée où tu as dû être plâtrée pendant 1 mois et demi. Avec le plâtre qui te prenait la totalité du buste sans la poitrine, tu ne pouvais pas manger en grande quantité sinon tu avais l’impression que le plâtre allait exploser. Petit à petit, tu as pris l’habitude de moins manger. Une fois le corset enlevé, tu as découvert un nouveau corps, celui d’une femme en devenir. Tu étais belle avec ta jolie poitrine, ta taille toute fine et tes hanches un peu larges, une jolie adolescente. Je te trouvais très belle. Je pense que je devais aussi un peu être jalouse de toi, moi avec mes rondeurs et mon corps qui avait trois kilos de trop.
Sauf que tu as pris un peu trop goût à ce corps là. Et comme tu rencontrais d’autres difficultés en parallèle, tu as trouvé la seule chose que tu arrivais à contrôler. La nourriture et la prise de poids. Sauf que c’est rapidement devenu une perte de poids.
Si j’avais été suffisamment informée sur les émotions d’une personne hypersensible, je pense que j’aurais peut-être été plus à l’écoute. À cette époque je ne savais tellement pas comment réagir qu’au final, j’avais l’impression d’être en permanence dans le conflit. Je pense que tu as dû me détester à cette période, pensant que je t’en voulais en permanence. Alors qu’en fait cette situation me rendait folle et je ne savais absolument pas comment te parler pour que tu aies un déclic et que tu inverses la tendance.
Aujourd’hui, j’apprends à réfléchir avant de te dire les choses, et à ne surtout pas réagir à chaud dans une situation, … Enfin du moins j’essaie le plus possible ! Mais quand on sait que je suis assez impulsive et spontanée, dis-toi que c’est souvent un challenge pour moi !
Si tu veux apprendre à te connaître, toi, tes envies, tes besoins, ton rythme, assemble les pièces de ton mode d’emploi.
Sophie – Quels sont les avantages et les inconvénients d’avoir une personne hypersensible dans la famille ?
Chloé – Je pense qu’en tant que famille ça nous a ouverts à plein de discussions. Et pour moi personnellement, je ne vois plus que par mon prisme. Par la force des choses, je suis devenue plus empathique et de me mettre plus facilement à la place des autres.
En inconvénient, je dirais que parfois il faut te supporter. 😉
Sophie – Quelles stratégies ou techniques utilises tu pour m’aider quand mon hypersensibilité est forte voire trop forte pour moi ?
Chloé – Déjà je fais attention à la façon dont je te dis les choses. Avec d’autres je ne tournerai pas ma langue 7 fois dans ma bouche. Je suis sûrement plus empathique avec toi que je ne peux l’être avec d’autres parce que je n’ai pas envie de te blesser. Je suis en général assez franche et je peux donner mon avis facilement sans forcément que quelqu’un me l’ait demandé d’ailleurs ! Avec toi, je suis plus attentive à l’état d’esprit dans lequel tu es quand je te parle, et je peux parfois adapter ce que je te dis en fonction de ce que j’estime être ta capacité à recevoir le message ou la réflexion que tu pourrais avoir suite à ce que je te dis. Je ne dis pas que je calcule ce que je fais en permanence, loin de là, je suis juste plus attentive à tes émotions et tes ressentis du jour parce que je n’ai pas envie de te blesser.
Finalement j’ai parfois l’impression d’être ta coach et de te faire sortir des choses que tu ne veux pas admettre mais que tu dois faire sortir. Je ne sais pas si tu me comprends. Bon quand je te fais réfléchir sur un sujet au téléphone et que ça te sort des larmes ou des émotions un peu trop fortes, après je raccroche en me disant : merde j’ai fait pleurer ma sœur alors que je voulais juste prendre des nouvelles !
Sophie – As-tu remarqué des situations spécifiques qui peuvent déclencher une réaction plus forte en moi en raison de mon hypersensibilité ?
Chloé – À peu près toutes les scènes tristes d’un film… Je dirais que chez toi ton hypersensibilité se déclenche plus fortement quand tu ressens une émotion négative. Ça me semble moins exacerbé quand tu es heureuse.
Sophie – En tant que famille avec les parents, comment faites vous pour contribuer à créer un environnement favorable pour moi (une personne hypersensible) ?
Chloé – On t’écoute et on t’accepte beaucoup plus telle que tu es. On n’essaie plus de te faire rentrer dans une case ou un moule, chose qu’on essayait peut-être de faire inconsciemment avant.
Je ne dirais pas qu’il y a besoin de créer un environnement favorable quand il y a un(e) hypersensible dans la famille, simplement d’être à l’écoute les uns des autres.
Sophie – Toi, qu’est-ce que ça t’apporte d’avoir une sœur hypersensible ?
Chloé – Des liens plus forts avec toi en premier lieu. On s’est retrouvés avec la révélation de ton hypersensibilité. Ça m’a donné une certaine ouverture d’esprit, je me mets plus souvent à la place de personnes très sensibles ou hypersensibles. Je me suis documentée aussi. D’ailleurs j’ai un livre à recommander à tous les auditeurs du podcast il s’appelle hypersensible mode d’emploi publiée par une jeune auteure ultra prometteuse…
Trêve de plaisanterie, j’ai lu des romans comme ceux de Virginie Grimaldi où elle met en scène des personnes hypersensibles, ce qui m’a plus parlé.
Sophie – Quels conseils donnerais-tu aux familles qui peuvent avoir du mal à accepter et comprendre l’hypersensibilité d’un proche ?
Chloé – Lisez, documentez vous. Parlez en autour de vous, ou rejoignez des forums / groupes Facebook sur le sujet si vous ne connaissez personne dans votre entourage.
Faites vous accompagner si les étapes que vous vivez sont douloureuses et conflictuelles. Faire le point avec une personne neutre, ayant un regard extérieur et avec des compétences dans ce domaine peut vous aider à comprendre des comportements ou des attitudes.
Découvre les accompagnements pour mieux vivre ta sensibilité ou comprendre celle d’un proche hypersensible.
Sophie – Qu’aimerais-tu partager avec d’autres familles qui ont des membres hypersensibles ?
Chloé – L’hypersensibilité n’est pas une maladie ni une différence au sens péjoratif du terme. Chaque personne a une singularité. L’hypersensibilité en est une, comme quelqu’un d’autre peut avoir d’autre chose.
Vous avez aimé cet article ? Épinglez-le sur Pinterest pour le retrouver plus tard