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Interview de Maurice Barthélémy : comment trouver son équilibre en tant qu’hypersensible ?

Dans cette interview, Maurice Barthélémy, acteur, réalisateur, scénariste et hypersensible se livre avec authenticité sur son parcours professionnel et la découverte de son hypersensibilité. Un témoignage touchant et humain que je suis très heureuse d’avoir pu rédiger. Encore merci à Maurice pour sa disponibilité.  

En quoi votre hypersensibilité est un atout pour votre métier de réalisateur ?

J’ai découvert mon hypersensibilité à 45 ans. Au départ, je cherchais à comprendre ma fille de 8 ans. Je me demandais pourquoi elle était comme ça :

  • très exigeante vis-à-vis d’elle-même,
  • sur-empathique envers les animaux et les causes perdues,
  • parfois blessée face aux comportements de ses camarades, qui eux ne voient pas le mal, mais elle y voit une trahison,
  • angoissée par la mort. Elle avait des terreurs nocturnes très puissantes,
  • très éveillée. Petite, elle lisait avant tout le monde, elle parlait très vite…

J’ai compris qu’elle était comme ça parce que j’étais comme ça aussi. Mettre le mot “hypersensibilité” sur mon état m’a été très utile. Ça m’a permis de comprendre pourquoi j’avais fait mes choix, aussi bien les bons que les mauvais. Mais surtout, je me suis rendu compte que je n’avais pas du tout choisi mon métier par hasard. Je l’ai choisi parce que c’est un métier créatif, qui fait appel à l’imaginaire. Il me permet de faire plusieurs métiers en un. Et ça pour un hypersensible, c’est génial ! Quand on est réalisateur, on est à la fois architecte parce qu’on construit l’œuvre avec une structure qui est le scénario. On est aussi maître d’œuvre, c’est-à-dire qu’on réunit différents corps de métier. On est donc un peu décorateur, chef costumier, directeur de casting, ingénieur du son, chef opérateur et monteur. Il faut avoir toutes ces notions-là pour pouvoir expliquer ce qu’on veut au chef de poste.

C’est un métier à la fois solitaire lorsque l’on écrit le scénario et que l’on monte le film. Et ça correspond bien au profil de l’hypersensible qui a besoin de vrais moments de solitude. C’est également un métier qui brasse énormément de monde. Ce qui me correspond bien car je suis un 50-50 – introverti-extraverti. Je retrouve des moments d’introspection dans l’écriture et le montage et des moments où je suis extraverti pour le casting, le tournage, la promo où là, je dois communiquer.

C’est donc véritablement le métier qui me correspond. Plus qu’acteur, où je ne fais que jouer. Réalisateur, c’est tellement de métiers en un que c’est beaucoup plus adéquat à mon hypersensibilité qu’autre chose.

L’hypersensible a tendance à avoir un faux self. Est-ce donc plus facile pour un hypersensible de s’approprier un rôle ?

L’hypersensible est quelqu’un qui capte les gens. Il est très fort dans le mimétisme. C’est pour cela qu’il y a beaucoup d’acteurs ou d’actrices hypersensibles. Ce sont des gens qui sont des éponges. Ils arrivent à reproduire des personnages. Le problème, c’est que beaucoup d’hypersensibles se perdent. Ils sont tellement sensibles, tellement intuitifs, qu’ils deviennent le personnage au point de prendre ou de perdre 30 kilos pour être crédible et incarner leur rôle à la perfection. Mais c’est très destructeur, ça abîme le corps et l’âme. De très grands acteurs ont été détruits par cette capacité d’être quelqu’un d’autre au point de se perdre eux-mêmes.

Comment faites vous pour être dans votre rôle sans vous perdre ?

J’ai trouvé la solution ! Je suis de moins en moins acteur, car j’ai senti que c’était un métier dangereux. Aujourd’hui, je le prends comme un jeu et non plus comme quelque chose de dramatique. 

Comment avez-vous trouvé votre place ?

J’ai longtemps eu un problème de légitimité. Quand j’étais gamin, je ne me sentais pas légitime car j’étais différent. Et en même temps, j’avais des capacités qui n’étaient pas tout à fait celles qu’avaient mes copains. Je n’étais pas très bon sportif, pas très bon à l’école. Je me sentais différent tout le temps et donc pas à ma place. Je me disais, “je suis moins bon”. Donc je m’auto-sabotais tout le temps.
Je me suis aussi auto-saboté quand je suis devenu comédien. Je me disais que je n’étais pas bon. Quand j’avais ce faux self qui me protégeait, je n’étais pas vraiment présent, et j’échouais.

Ce manque de confiance se traduisait aussi dans ma vie affective. Je n’avais pas confiance en moi avec les nanas, ni dans les relations sexuelles, où tout d’un coup, il y avait une pression telle que je me disais que c’était trop pour moi à gérer.

Ces problèmes de légitimité, je me les suis donc posés très longtemps. Jusqu’à ma rencontre avec les Robins, où je suis amené à vivre des choses satisfaisantes. J’avais un retour professionnel, une petite notoriété qui a fait que tout à coup, j’ai trouvé ma place. À partir du moment où je la trouve, l’estime de moi remonte petit à petit.

Là-dessus, est venu se greffer la découverte de mon hypersensibilité, et la raison pour laquelle cette estime de moi était toujours remise en question. En fait, ce n’est pas que l’expérience qui m’a apporté une meilleure estime de moi, c’est aussi de me dire que je suis pas moins bien que les autres. Tout s’est alors rééquilibré et aujourd’hui, j’estime que j’ai ma place et que j’ai une légitimité en tant qu’être humain et pas uniquement liée à ma réussite professionnelle.
À partir du moment où chaque être humain vit des choses et amène son expérience à d’autres, il a sa place.

Comment avez-vous trouvé votre équilibre à vous en tant qu’hypersensible ?

En faisant une enquête sur moi-même et sur toutes les disciplines qui pouvaient m’aider à trouver des indices. J’ai été aussi bien voir une hypnothérapeute, qu’une sophrologue, que des voyantes, des médiums, des énergéticiens… J’ai également essayé la méditation, l’EMDR, l’EFT, la kinésiologie… Tout est intéressant !  A chaque expérience, on tire une pièce du puzzle qui va compléter ce grand puzzle qu’on a mis en place. Et petit à petit, un dessin se forme. C’est ce que j’ai essayé de faire et que j’essaie de faire encore aujourd’hui. Moins en expérimentant les disciplines parce que j’en ressens moins le besoin. Mais je continue à le compléter au travers de mes expériences professionnelles, amicales et amoureuses.

Aujourd’hui, quel est votre rythme ? Avez-vous des routines ?

J’essaie de lutter contre les routines. Elles ont été une béquille pendant très longtemps. Je devenais très routinier et presque “chiant”. Donc c’est quelque chose que j’essaie de ne pas trop avoir ou de ne pas faire subir à la où les personnes avec qui je suis. Si je suis seul, je n’ai pas de problèmes, je peux avoir toutes les routines que je veux, ça n’aura pas trop d’incidence. Mais quand je suis avec quelqu’un, je préfère ne pas trop en avoir, car c’est rassurant, mais vite emprisonnant. Donc j’ai tendance aujourd’hui à me dire qu’il n’y a qu’une chose qui compte. C’est l’instant, le présent, le lâcher prise. J’essaie de me débarrasser de mes peurs et de ma culpabilité pour d’avancer au quotidien, en allant contre mes réticences, contre mes à priori et en me disant « vas-y laisse toi vivre cette expérience ». Ce n’est pas toujours facile, car on est bourré de peurs et de culpabilité.

Récemment, on m’a demandé de faire Fort-Boyard. Je n’avais jamais voulu, car je n’avais pas envie de me retrouver à sauter dans le vide ou à toucher des bestioles. J’ai eu une motivation, car je l’ai fait pour une association qui vient en aide aux chimpanzés. Comme c’était utile et que ça avait du sens pour moi, j’ai accepté. Je me suis retrouvé dans des situations à la con face à des peurs bien ancrées. Ma peur des rats ! Je n’aime pas vraiment les rats… Et quand je me suis retrouvé la tête entourée de rats sans la possibilité de fuir, c’était compliqué à gérer. Mais il ne s’est rien passé de grave ! À partir du moment où il ne s’est rien passé de grave, j’ai compris que ce type de peurs, on se les fabrique nous-même pour se protéger, pour ne pas avoir peur ou pour ne pas souffrir.

L’hypersensible se construit pendant son enfance une armure qu’il va garder un fois adulte, bien qu’elle ne va plus du tout lui correspondre. Tout le travail que doit faire l’adulte hypersensible, c’est de se débarrasser de son armure d’enfant pour se construire non pas une armure, mais une côte de maille qui correspond à qui il est. Il ne s’agit pas non plus d’être complètement vulnérable. Elle lui permet de savoir se protéger sans s’embarrasser d’une armure trop lourde et trop rigide. Le travail que je fais aujourd’hui, c’est de me débarrasser de cette tenue que je me suis construite quand j’étais gamin et qui ne me va plus du tout. Elle fait beaucoup trop de bruit et n’est ni confortable, ni efficace. Tellement pas efficace que j’ai rencontré des pervers narcissiques qui m’ont bien abimés. C’est donc bien la preuve que cette armure ne sert à rien. Alors, je me construis une tenue légère, protectrice qui me permet de faire plein de choses.

Aujourd’hui savez vous repérez les pervers narcissiques et ne pas vous approcher d’eux ?

Oui, ça m’arrive, mais ça m’arrive aussi de retomber sur des personnes toxiques et de me dire ensuite « ah putain ! Je ne l’ai pas vu celle-là »
Et c’est un peu notre lot d’hypersensible. Car on est toujours attiré par cette part d’ombre présente chez l’autre. Nous avons ce syndrome de l’infirmier, qui, quand quelqu’un est mal, nous pousse à vouloir le soigner. C’est la raison pour laquelle je ne veux plus être dans la culpabilité et le syndrome de l’infirmier. Je veux bien aider les gens en publiant un livre sur l’hypersensibilité. Mais je me suis d’abord aidé en le faisant, car je me suis raconté et ça m’a fait du bien. Ça a également parlé à d’autres gens donc tant mieux, j’ai ainsi assouvi mon besoin d’aider les autres. On peut sauver quelqu’un de la noyade, mais on ne peut pas sauver quelqu’un qui est bipolaire, dépressif ou schizophrène, parce que ce sont des maladies. On peut aider ces personnes en se demandant ce qu’on peut faire un jour, mais on ne peut pas les sauver.

Un conseil à donner aux hypersensibles ?

Penser d’abord à vous et après aux autres.

Fort comme un hypersensible : Maurice Barthelemy

Où peut-on vous trouver ? 

Vous pouvez me retrouver lors de mon projet conférence “Fort comme un hypersensible le live ! “ à la Pépinière Théâtre à Paris, tous les jours entre septembre et fin décembre à 19H. Plutôt que de raconter mon hypersensibilité liée à mon passé, je parle de mon présent et de comment au quotidien, je vis avec cette hypersensibilité. Quels sont les problèmes que je rencontre et les astuces que je me trouve moi-même pour affronter ces problèmes.

Retrouvez-moi également dans mon livre “Fort comme un hypersensible” paru aux éditions Michel Lafon.

Suivez-moi aussi sur mon compte instagram @barthelemymaurice

Commentaires (2)

  • Elie

    Eccellente interview Sophie.
    Je ne te l’ai peut-être jamais dit car je n’aime pas trop les “étiquettes” mais je me reconnais dans tous ces témoignages d’hyper sensibles. En tout cas bravo pour tout ce que tu fais ! Tu es épatante !

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  • gilles HOUDINIERE

    Article trés intéressant et j’ai rencontre Maurice Barthélemy après son spectacle

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